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Brito Original

Brito Original

En 1995, Fañch Le Henaff débute un vaste projet culturel et typographique : le Brito. 15 ans plus tard, il souhaite stabiliser, digitaliser et étendre le caractère pour le diffuser auprès d’un public qui aura été plus que patient! Nous réunissons alors une équipe dédiée au chantier : Fañch en est l’auteur et le commanditaire, Malou Verlomme en sera le type-designer, et Yoann De Roeck aura le rôle de pilote de projet.

Un projet culturel
Brito n’est pas seulement un revival typographique aux notes celtiques, mais d’abord un projet historique et culturel qui visite et interroge les spécificités des langues brittoniques et gaéliques : combinaisons de consonnes inédites, ligatures particulières et glyphes et accents atypiques… Le caractère Brito propose à la fois une synthèse contemporaine d'un répertoire formel ancien (caroline et onciale irlandaise notamment) et d’expérimentations radicales, menées dans les années 30 par le mouvement des Seiz Breur.

Première phase : la stabilisation
Le projet débute par un état des lieux du matériel constitué depuis 1995 : les glyphes ont été dessinés au fil du temps, certains existent dans de nombreuses versions, et beaucoup manquent pour en faire un caractère utilisable. Les signes de l’époque servant à la composition de titrages pour des affiches, ils sont à l'état vectoriel et non sous forme de fonte : il faut restructurer complètement le glyph-set et harmoniser les dessins car si l’ADN est fort, de grands écarts de traitement des signes persistent (chasse, contraste, tensions de courbes et détails ornementaux…).



Le set de base comprenait globalement capitales, bas-de-casses, chiffres et quelques signes de ponctuation. Nous avons opté dans un premier temps pour développer un latin étendu, augmenté des glyphes spécifiques aux langues brittoniques et gaéliques, et accents principaux des langues européennes.



Les images qui suivent montrent les premières étapes de stabilisation du Brito, sur un mode avant/après qui atteste de corrections mineures la plupart du temps, et de refonte complète quand le signe a semblé inapproprié.



Deuxième phase : les compléments
Viennent à présent les accents et ligatures. C’est un enjeu de taille pour le projet Brito et quelque part son meilleur argument: permettre la composition courante dans l’ensemble des langues brittoniques (breton, cornique, gallois, cambrien*) et gaéliques (écossais, irlandais, mannois), qui possèdent chacune leurs spécificités. *éteint au Moyen Âge.



Voici quelques exemples de ligatures spécifiques que permet le Brito pour composer harmonieusement des mots qui comportent des paires fréquentes en breton, inexistantes en français : GW, Gw, gw, ZH, Zh, zh, C’H, C’h, c’h, mais aussi le TH et Th, tout à fait anglais, ou encore le glyphe Ꝃ, ou «K barré», depuis peu reconnu par l’Unicode…

En situation
Voici quelques tests de composition du Brito dans des termes et noms propres des langues brittoniques, avec les signes diacritiques et ligatures appropriés, attention dépaysement assuré… Nous ne sommes pas accoutumés à ces enchaînements de lettres, aucune langue européenne n’offre ces séquences : prépondérance du «a» et du «u» comme seule source de respiration dans une suite interminable de consonnes. Ces consonnes parfois doublées, souvent incarnées par le «k» le «d» ou le« L» – toutes des lettres montantes – donnent aux lignes un rythme vertical inédit pour le néophyte, de quoi croire à un langage inventé de toute pièce. Il fallait bien un alphabet pour l’écrire.



Présentation du Brito, déc. 2011
Le Brito est prêt à être présenté en avant-première aux Champs-Libres à Rennes, sur l’invitation de Pascal Aumasson. C'est aussi l’occasion de rencontrer les étudiants de deuxième année de Design Graphique de LISAA Rennes, et leur directeur pédagogique Patrice Guinche, pour une séance d’échanges autour de la création typographique. Les photos ci-dessous ont été réalisées par les élèves de la section.